Est-ce la fin de la présence militaire française au Burkina Faso ? Le 18 janvier 2023, le gouvernement burkinabé aurait dénoncé l’accord qui encadrait la présence d’un contingent militaire français sur son territoire, accord qui datait de 2018. Cette dénonciation entraînerait de facto le départ du contingent français au Burkina Faso.
C’est l’Agence d’Information Burkinabè (AIB) qui a révélé ces éléments aux médias internationaux. Selon les termes de cet accord, les forces françaises devraient quitter le pays d’ici le 17 février 2023. Il faut avouer que les forces françaises faisaient déjà l’objet d’un violent sentiment anti-français avec des manifestations hostiles devant leur camp de base.
Mais, officiellement, le gouvernement français nie avoir reçu une lettre de dénonciation de cet accord de défense. Et du côté des officiels burkinabés, l’embarras est de mise. Alors cette lettre a-t-elle vraiment été envoyée ? Ou le départ du contingent français n’est-il pas d’actualité ? Avant de revenir sur ce point, intéressons-nous à ses missions et à sa composition.
Contingent français au Burkina Faso : quelles forces pour quelles missions ?
Le contingent français au Burkina Faso est composé de 400 hommes, faisant partie de ce que l’on nomme couramment les forces spéciales. Dans les faits, il s’agit d’unités de type commando, notamment les commandos marine, corps de l’armée qui avait été notamment engagé dans une libération de quatre otages en 2019, opération marquée par la mort de deux soldats appartenant au Commando Hubert.
Ces forces spéciales agissent pour des missions de lutte contre le terrorisme au Sahel. Elles ont établi leur siège au Burkina Faso, au camp de Kamboisin, à proximité immédiate de Ouagadougou. Le choix du Burkina Faso n’est pas anodin, c’est un emplacement stratégique pour des raisons géographiques. Les forces spéciales peuvent rapidement se déployer dans l’ensemble des zones dangereuses du Sahel, pour des opérations de contre-terrorisme. Donc, si le contingent français au Burkina Faso agit pour la sécurité du pays, son action rayonne sur l’ensemble de la zone sahélienne.
Repositionnement des troupes françaises en Afrique de l’Ouest
Plus qu’un simple départ du Burkina Faso, ce repositionnement des forces spéciales devrait se faire dans la Région. Les 400 hommes basés à Kamboisin devraient déménager pour une base militaire française dans la région, où sont déjà installées des forces prépositionnées. La solution la plus logique semble être le Niger, mais il y a aussi le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.
Plus qu’un repositionnement tactique, l’Elysée réfléchit à une nouvelle stratégie française en Afrique, qui devrait être dévoilée avant l’été 2022.
Départ du contingent français au Burkina Faso : est-il vraiment d’actualité ?
Si l’Agence d’Information Burkinabè (AIB), source officielle, a annoncé le départ du contingent français au Burkina Faso, le Quai d’Orsay a ensuite nié cette informatio, assurant n’avoir reçu aucune lettre ou document officiel pour mettre fin à l’accord de défense qui lie Paris à Ouagadougou. Du côté des ministres burkinabés, l’embarras était de mise, dimanche soir, alors que l’information diffusée par l’AIB a déjà bien circulé sur les réseaux sociaux.
Ainsi, le départ du contingent français au Burkina Faso serait au coeur d’une guerre d’influence entre les différentes mouvances politiques qui composent le gouvernement burkinabé. Hasard, ou tentative de manipulation de la part de ses alliés, le président Ibrahim Traoré était en déplacement à l’étranger au moment où l’information de l’AIB a commencé à circuler.
Emmanuel Macron veut garder de la prudence
Interrogé sur le sujet en marge du conseil des ministres franco-allemand, Emmanuel Macron a déclaré : « Je pense qu’il faut garder beaucoup de prudence et veiller à ce que, [ce qui] est une spécialité de certains dans la région, qui peuvent avoir partie liée au demeurant avec (…) nos amis russes, [certains] ne fassent pas de manipulation, donc nous attendons des clarifications de la part de M. Traoré sur ce sujet ». Entre les lignes, il faut y comprendre que le départ du contingent français au Burkina Faso serait une ligne de fracture au sein du gouvernement burkinabé.
Il y a d’un côté les pro-russes, qui souhaitent confier la lutte anti-terroriste au sein du pays aux mercenaires de Wagner, tandis que de l’autre côté, il y a les pragmatiques qui préfèrent se fier à la présence française. Dans l’attente de savoir plus, on peut dire qu’à cette heure, le président Traoré marche sur une ligne de crête. Malin qui pourra prédire l’issue de cet imbroglio…
Départ effectif des forces spéciales fin février
Suite à cet imbroglio diplomatique, le gouvernement burkinabé a finalement confirmé avoir envoyé le courrier à Paris, souhaitant mettre un terme à l’accord de défense. Les 400 hommes des forces spéciales qui occupent le camp militaire de Kamboisin vont devoir lever le camp, et plier bagages vers une autre destination africaine. Selon un sous-officier sur place (qui gardera l’anonumat-, que nous avons réussi à joindre « Cet épisode ne laissera pas de traces, nous ne faisons pas de politique. On s’adaptera comme on a toujours fait ». En revanche, compte tenu du contexte, pas sûr que les forces spéciales s’offrent des écussons spécifiques pour fêter la fin de l’opération, comme il est coutume de faire chez les commandos.