En ce début du mois d’octobre, un groupe de militaires a jugé qu’il était temps de mettre fin à la transition. Durant les quelques mois que cette dernière a pu durer, plusieurs événements se sont produits. On a surtout assisté à une importante augmentation d’un sentiment anti-français. Avec ce nouveau coup d’État, la situation a rapidement évoluée et la France directement attaquée. L’ambassade et l’institut français ont été ciblés par les manifestants après l’annonce du coup d’État. Qu’est ce qui peut expliquer ce sentiment anti-français grandissant ? Découvrez notre analyse ici.
Attaque des symboles français au Burkina Faso : que s’est-il passé ?
Tout est parti de l’annonce faite par les auteurs du coup d’État le samedi 1er Octobre à la télévision. Il n’aura fallu que quelques heures pour les réseaux sociaux soient envahis par une simple rumeur qui a aggravée la situation. Selon les informations relayées de part et d’autre, le lieutenant-colonel Damiba qui vient d’être renversé se serait caché sur une base française. Les auteurs de cette nouvelle vont encore plus loin en affirmant qu’il y prépare avec l’aide des unités françaises sur place une contre-offensive.
Les choses sont allées déjà trop loin. Malgré le démenti de Paris, la situation ne se calme pas et les manifestants s’accrochent à la première information qu’ils ont reçue. Sur les réseaux sociaux burkinabés, c’est l’actualité du moment et on peut lire des commentaires parfois très violents. Certaines personnes lancent même des appels à attaquer les institutions françaises et pire, les Français eux-mêmes. La situation s’envenime alors très rapidement et de nombreux manifestants envahissent les rues en soutien aux putschistes.
À Ouagadougou, l’ambassade de France est prise pour cible et attaquée. Les manifestants décident de lancer des pierres en direction de l’ambassade, tentent d’y mettre le feu et même de pénétrer les locaux. Malgré les nombreux appels au calme, les troubles reprennent le lendemain 2 Octobre avec de nouvelles attaques. Symptôme évident de ce sentiment anti-français : l’ambassade est à nouveau ciblée tout comme le lycée français, des stations totales, le consulat et d’autres entreprises françaises.
Une vengeance contre l’ancienne puissance coloniale ?
L’opinion publique Burkinabé n’a cessé de rappeler ces dernières années l’époque de la colonisation. Certains activistes utilisent ces événements pour justifier leur rejet de la France. L’histoire coloniale du pays semble donc avoir une grande influence sur les événements actuels. En 1897, tout le pays était occupé par la France qui mettait tout en œuvre pour étendre son pouvoir. L’actuel Burkina Faso est ensuite inclus dans le Haut-Sénégal-Niger, avant de devenir colonie indépendante nommée Haute-Volta en 1919.
Pendant toute la période de la colonisation, des mouvements de résistance se sont développés jusqu’à l’indépendance. Les autorités burkinabés ont très tôt montré leur intention de résister à la présence française sur leur territoire. En effet, cette opposition à une présence militaire française au Burkina avait déjà été marquée par le père de l’indépendance : Maurice Yaméogo. Ce dernier avait exprimé en 1961 son refus pour la signature d’un accord de défense qui était proposé par la France.
Cela a ensuite permis que l’une des plus grandes bases militaires françaises de l’époque soit démantelée. Après lui, l’ancien président Thomas Sankara a également mis en avant un désir d’indépendance forte. L’objectif était de devenir complètement indépendant et d’agir sans l’intervention de la France. Aujourd’hui, les résistants à la présence française au pays des hommes intègres s’identifient à ces anciennes figures. Ils n’ont qu’un seul désir, voir l’armée française quitter leur pays et même toute l’Afrique. Une présence qu’ils jugent inutile et dont le but serait simplement un positionnement pour profiter des richesses de la région.
Sentiment anti-français : et si la Russie avait quelque chose à y voir ?
Depuis quelques années, la Russie tente d’étendre son pouvoir en Afrique. Moscou se rapproche petit à petit de certains pays africains pour nouer de nouveaux liens. Après la Centrafrique et le Mali, le Burkina Faso pourrait être la prochaine destination. Pour atteindre efficacement leurs objectifs, les autorités russes mettent en place des stratégies redoutables. Elles ont pu ainsi lancer des campagnes anti-françaises qui semblent bien marcher pour générer un sentiment anti-français au sein de la population.
Elles ont d’ailleurs pu s’accorder les services d’activistes très populaires en Afrique. C’est principalement grâce à ses relais de propagandes russes que la désinformation a autant de succès sur les réseaux sociaux. Ces derniers sont envahis par des informations qui sont censées permettre de déconstruire l’influence française en Afrique. De petits groupes d’activistes pro russes se forment aussi sur les réseaux et rependent rapidement les rumeurs.
Dans sa stratégie, la Russie finance des associations et médias opposés aux actions françaises. Elle affirme vouloir aider les états africains à se détacher de la France et profiter de leur réelle indépendance. Ils parviennent donc à mobiliser des jeunes pour que les informations qui leur parviennent soient partagées très rapidement. C’est sans grande surprise que l’on peut voir des manifestants brandir le drapeau russe comme pour indiquer que la Russie est bien présente. C’est encore ce qui s’est passé au Burkina où les soutiens aux putschistes sont descendus dans les rues en brandissant le drapeau russe.
Ce qui n’est qu’une suite aux déclarations des putschistes qui se disent ouverts à d’autres partenariats en dehors de la France. Pour ne rien rater, le groupe Wagner se positionne comme ce fut le cas en Centrafrique et au Mali. Evgueni Prigojine, dirigeant de cette force paramilitaire, bras armé de Moscou a rapidement félicité le capitaine Traoré. Certainement une manière de dire que le groupe est prêt à accompagner les nouveaux dirigeants burkinabés.
Que pense réellement le peuple burkinabé ?
Il est très difficile de mesurer les réels désirs du peuple burkinabé, entre soutien à la présence française et sentiment anti-français. On peut tout de même remarquer qu’il existe deux camps dans la population et même au sein des officiels. Pendant que certains sont influencés par la propagande, d’autres encore préfèrent être réalistes. Pour de nombreux jeunes burkinabés qui manifestent, ils n’ont pour seuls motifs que les informations lues sur les réseaux sociaux. L’échec de nombreuses opérations militaires dans la région contre les djihadistes est un autre argument avancé.
Ils partagent donc en toute innocence tout ce qui leur parvient. D’un autre côté, une partie de la population bien qu’elle semble assez réduite considère la présence militaire française nécessaire dans le pays. Face aux attaques djihadistes qui deviennent de plus en plus nombreuses et violentes, une intervention extérieure puissante semble nécessaire. L’armée burkinabé n’a pas des moyens suffisants pour combattre ses groupes terroristes qui disposent d’armes lourdes.
Dans le rang des intellectuels burkinabés, la division est aussi observée, même si le sentiment anti-français est moins présent qu’ailleurs. Sauf que très peu ont le courage de donner publiquement leur avis pour ne pas subir la colère du reste. Avec les enchaînements de coups d’État, les militaires sont plus présents au sein de l’administration. La crainte peut se lire chez certains intellectuels qui préfèrent rester dans le camp de la junte au pouvoir pour éviter les représailles.