Le livret A, ce placement d’épargne préféré des Français, suscite l’intérêt de nombreux épargnants. Alors que le taux du livret A est actuellement fixé à 3% (depuis une revalorisation au 1er février 2023), des discussions sont en cours pour une éventuelle revalorisation à 4%, voire jusqu’à 4,5%. Mais, les acteurs bancaires et les bailleurs sociaux s’inquiètent d’une telle augmentation du taux du livret A. Nous allons examiner tout cela dans cet article.
Contexte économique et inflation
L’une des principales motivations pour une éventuelle revalorisation du taux du livret A est le contexte économique actuel et l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des épargnants. Alors que l’inflation dépasse les 5% selon le mode du calcul de l’INSEE, le taux du livret A à 3% entraîne une diminution réelle de la valeur de l’épargne.
Formule de calcul du taux du livret A
Une revalorisation à 4% permettrait de mieux compenser l’effet de l’inflation et de maintenir le pouvoir d’achat des épargnants. Mais, il faut savoir que l’évolution du taux du livret A (à la hausse comme à la baisse) n’est pas l’objet d’un débat politique uniquement.
A l’origine, il y a une formule de calcul. C’est la moyenne entre le taux de l’inflation, le taux de rémunération des dépôts interbancaires au jour le jour et sur trois mois (taux Eonia, et Euribor). Une fois ce calcul arithmétique terminé, le gouverneur de la banque de France soumet le résultat arrondi au quart de point le plus proche au ministre de l’Economie et des Finances.
Le ministre de l’Economie, en l’occurrence Bruno Le Maire, peut ensuite prendre une décision politique en ajustant le taux proposé par le gouverneur de la Banque de France. Mais, Bruno Le maire a confirmé qu’il suivra la recommandation du gouverneur, donnant à son action un aspect davantage technique que politique : « Si jamais la conclusion de la formule et du gouverneur de la Banque de France, c’est que comme l’inflation est très élevée, il faut continuer à augmenter la rémunération du Livret A, je suivrai la recommandation du gouverneur».
Mais, le gouverneur peut choisir de déroger ponctuellement à la règle, comme cela a déjà été le cas en février. Initialement, la formule proposait une augmentation du taux du livret A à 3,3%. Il a choisi de suggérer au ministre des finances de limiter ce nouveau taux à 3% seulement.
Les banques confrontées à la hausse du taux
Une revalorisation significative du taux du livret A aurait un impact sur les banques et le financement du logement social. Les banques utilisent les fonds déposés sur les livrets A pour accorder des prêts et financer des projets.
Une augmentation du taux du livret A peut entraîner des coûts supplémentaires pour les banques, qui pourraient être répercutés sur les emprunteurs. Et, en France, c’est un vrai sujet d’inquiétude. Comme les prêts immobiliers, aux entreprises et à la consommation sont libellés dans leur grande majorité à taux fixe, la banque doit actuellement débourser de l’argent pour rémunérer les dépôts sur les comptes d’épargne réglementés.
Car le taux du livret A n’impacte pas seulement ce placement. Le taux du livret A est également celui du Livret Développement Durable. Et le calcul de ce taux impacte également le calcul du taux du Livret d’Epargne Populaire (LEP), et le taux du Compte Epargne Logement (CEL). Les banques doivent donc piocher dans leurs réserves pour rémunérer tous ces dépôts. Surtout qu’il y a un effet boule de neige. Au plus le taux du livret A augmente, au plus le niveau de rémunération de ce livret augmente.
Mais, au plus ce taux augmente, au plus les épargnants sont incités à déposer leurs fonds sur ces livrets. Ce qui signifie encore des intérêts supplémentaires pour la banque.
Impact du taux du livret A sur le financement des logements sociaux
Le taux du livret A a également un impact direct sur le financement de la construction de nouveaux logements sociaux. Alors que la hausse des dépenses énergétiques a mis en lumière, après deux années de Covid-19, que les Français ont plus que jamais des difficultés pour se loger, le secteur du logement social est dépassé.
Or, la hausse du taux du livret A impacte négativement la construction de nouveaux logements sociaux. C’est justement ce qu’explique Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement et actuelle présidente de l’Union Sociale pour Habitat, une organisation de représentation des bailleurs sociaux (581 organismes HLM en sont adhérents). Elle a déclaré dans les colonnes du Monde : « Si, en août, le taux du Livret A devait encore être augmenté, nous utiliserions nos ressources pour financer notre dette, et pas pour lancer de nouveaux programmes de logements. Un point d’augmentation du taux du Livret A, c’est environ 1,4 milliard d’euros de dépenses en plus pour le secteur. »
Autrement dit, la hausse du taux du livret A rendrait le taux d’emprunt trop élevé pour les bailleurs sociaux qui renonceraient à lancer de nouveaux programmes de construction HLM. A l’heure où la France en a probablement le plus besoin. Face à ce terrible dilemme pour le gouvernement : protéger les épargnants d’un côté, et favoriser la construction de logements sociaux de l’autre, aucun arbitrage n’a encore été pris. Ce qui est certain, c’est qu’il faudrait réfléchir à une nouvelle formule pour financer le logement social.
Ou, comme le suggère un acteur de l’immobilier sous couvert d’anonymat « Le taux du livret A devrait être moins volatil et plus stable dans le temps. Car les organismes HLM ont besoin de stabilité pour investir, ils préfèrent un taux élevé dans la durée qu’une brutale hausse, qui vient remettre en questions leurs perspectives ».
Conclusion
La possibilité d’une revalorisation du taux du livret A à 4% est un sujet d’intérêt pour de nombreux épargnants. Une telle augmentation pourrait compenser l’impact de l’inflation. Mais elle pourrait aussi mettre en danger les banques, qui doivent rémunérer ces dépôts et influencer négativement le financement de la construction de nouveaux logements sociaux.
Cependant, il convient de souligner que rien n’est encore décidé et que les décisions finales dépendent des autorités compétentes. Des arbitrages sont toujours en cours à l’heure où nous écrivons ces lignes…