Lors du dernier salon de l’Agriculture, à Paris, UNITe, entreprise spécialisée dans la production d’électricité d’origine renouvelable (éolien terrestre, hydroélectricité, photovoltaïque) a signé deux partenariats intéressants pour favoriser la combinaison entre agrivoltaïsme et élevage. Le premier, signé avec l’Institut National pour la Recherche sur l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), organisme issu de la fusion entre l’INRA et l’IRSTEA en 2020, vise à créer un pôle national de recherche sur l’agrivoltaïsme, qui passe notamment par le déploiement d’une plateforme de partage de données.
Le second partenariat a été entériné avec la Fédération Nationale Ovine, dans l’objectif de favoriser le déploiement de l’agrivoltaïsme combiné à une activité d’élevage ovin. Mais, agrivoltaïsme et élevage sont-ils vraiment compatibles ? Et si oui, quel est le modèle pérenne pour cette combinaison de pratiques ? C’est cette question que nous allons étudier en nous focalisent sur le principe de l’agrivoltaïsme et les défis qui restent à relever.
Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme ?
L’agrivoltaïsme est un concept novateur qui consiste à installer des panneaux solaires photovoltaïques au-dessus des champs cultivables ou des pâturages. L’idée est de produire de l’énergie décarbonée (d’origine solaire) tout en conservant une activité agricole de qualité sur les mêmes terres. Pour les promoteurs de l’agrivoltaïsme, cette pratique permet d’étendre le potentiel d’installation de panneaux solaires en créant de nouvelles surfaces éligibles. Néanmoins, cette pratique est encore à la recherche de son modèle car de nombreux défis restent à relever comme nous allons le voir dans cet article.
Agrivoltaïsme et élevage : quels avantages pour l’agriculteur ?
Pour l’agriculteur, l’agrivoltaïsme apparaît a priori comme une aubaine. En effet, dans un modèle conciliant agrivoltaïsme et élevage, celui-ci se voit promettre un complément de revenu très important lié à la location de ses terres agricoles pour l’implantation de panneaux photovoltaïques. Bien souvent, le revenu qu’il perçoit est un revenu foncier lié à la location de ses terres, et non le produit direct de la revente de son énergie. En effet, faire supporter à l’exploitant l’achat et l’installation des panneaux représenterait une charge financière conséquente pour une profession fragile économiquement.
Dans une combinaison entre agrivoltaïsme et élevage, on peut également voir que les panneaux solaires peuvent servir d’abri pour les animaux en cas d’orage ou de fortes intempéries. Compte tenu du réchauffement climatique, on peut également imaginer que les panneaux photovoltaïques apportent de l’ombre et donc un peu de fraîcheur aux bêtes en été. L’éleveur n’a donc pas l’obligation de veiller à la météo pour faire rentrer ses bêtes comme c’est le cas actuellement. Mais, cette pratique pose encore beaucoup de questions, que nous allons maintenant aborder.
Agrivoltaïsme et élevage : quels défis à relever pour un modèle pérenne ?
D’après le discours des promoteurs de l’agrivoltaïsme, les panneaux solaires installés sont parfaitement compatibles avec la culture de végétaux (notamment des pâturages dans le cas de l’agrivoltaïsme en conciliation avec de l’élevage ovin). Mais, de nombreuses instances du monde agricole (à l’instar des CDPENAF qui luttent à l’échelle locale contre l’artificialisation des terres arables) voient d’un mauvais oeil les projets de conciliation entre agrivoltaïsme et élevage.
En effet, selon la hauteur entre le sol et celle à laquelle les panneaux solaires sont installés, selon le mécanisme d’installation (panneaux fixes ou panneaux mobiles) et selon d’autres facteurs comme la météo et le climat local sur le site d’installation, agrivoltaïsme et élevage ne seraient pas forcément compatibles. Ainsi, les pâturages seraient moins fertiles et tant la quantité que la qualité de l’herbe qui pousserait sous les panneaux seraient dégradées.
D’autre part, la pose même des panneaux nécessiterait d’artificialiser par endroits les terres agricoles avec l’installation de dalle béton pour faire reposer la structure des panneaux. Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi UNIT-e, entreprise engagée dans l’agrivoltaïsme, lance une unité de recherche dédiée sur la conciliation entre agrivoltaïsme et élevage ovin, pour mieux comprendre les phénomènes à l’oeuvre et mettre en place des bonnes pratiques pour la filière.
Entre souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique
L’agrivoltaïsme est une pratique nouvelle, sur laquelle nous n’avons pas encore assez de recul. Est-ce qu’il y a une baisse durable des rendements agricoles suite à la pose de panneaux solaires en hauteur ? Ou bien au contraire, constate-t-on une amélioration de la productivité ? C’est un débat qui habite le monde agricole, et c’est pour tenter de le résoudre que l’INRAE se penche sur le sujet.
Potentiel énergétique énorme
L’agrivoltaïsme inquiète car il pourrait remettre en cause la souveraineté alimentaire de la France en rendant incultivables des terres fertiles. Mais en même temps, quand on sait que couvrir les toits de France ne sera pas suffisant pour assurer la transition énergétique pour se débarrasser des énergies fossiles, c’est une solution non négligeable.
Alors, peut-on concilier agrivoltaïsme et élevage ? Aujourd’hui, les projets sont encore peu nombreux et la filière ovine avance prudemment. Peut-être qu’une loi viendra réguler le secteur, à l’instar de la loi Sempastous sur la concentration des terres agricoles.
Question sur le modèle économique de l’exploitation agricole
L’agrivoltaïsme pose une autre question, qui concerne cette fois tous les agriculteurs intéressés par cette pratique, et particulièrement les éleveurs. En effet, si les agriculteurs parviennent à tirer un maximum de revenus en couvrant leurs pâturages (ou leurs serres dans le cas du maraîchage) de panneaux solaires, quel intérêt trouveront-ils à poursuivre leur activité ? Si les revenus tirés de la production d’énergie sont suffisants, pourquoi poursuivre la production agricole ?
Cette question se pose de façon aiguë pour les éleveurs car ils possèdent en moyenne beaucoup plus d’hectares que les agriculteurs qui se consacrent au maraîchage, et ce sont aussi ceux qui ont les moins bons revenus au sein de la filière. Alors, peut-on concilier agrivoltaïsme et élevage ? La recherche devrait apporter des réponses, pour trouver un modèle équilibré, et pérenne.