C’est un dossier que l’on avait presque oublié, perdu dans un été riche en pérégrinations politiques. Et, malgré le changement de gouvernement, il a été mené à son terme. Tout un symbole ! L’Etat nationalise donc l’entreprise ASN, filiale jusque-là de Nokia. Concrètement, l’Agence des Participations de l’Etat (APE) va acheter 80% des parts de cette filiale du fabricant finlandais de téléphones mobiles.
Préserver des emplois en France
Antoine Armand, actuel ministre de l’économie, a signé mardi 05 novembre le contrat d’acquisition dans l’usine historique du groupe, située à Calais. En nationalisant cette filiale de Nokia, c’est l’occasion pour l’Etat de s’assurer de la préservation d’emplois industriels en France. Pour rappel, ASN signifie Alcatel Submarine Networks, et donc, avant d’être une filiale de Nokia, c’était une filiale du groupe français Alcatel, désormais disparu.
A noter que cette acquisition négociée à l’ombre de la crise politique en cours pourra se faire sans être soumise au vote du projet de loi de finances 2025 (en cours d’examen auprès du Parlement). En effet, l’APE rachète ASN en puisant directement dans le compte d’affectation spéciale des participations financières de l’Etat. Cette façon de nationaliser une entreprise est tout un symbole, car cela prouve qu’il existe des manières d’agir en urgence, qui permettent d’éviter les crispations politiques.
D’autre part, un mécanisme est prévu pour que l’Etat rachète à Nokia les 20% que le groupe finlandais va conserver dans ASN. Mais, les conditions de ce rachat ultérieur n’ont pas été communiquées.
Outre l’usine de Calais, ASN compte également sept navires spéciaux destinés à poser les câbles de fibre optique au fond des océans. Deux vaisseaux sont dédiés à la maintenance, l’entretien et la réparation de ces câbles qui permettent de déployer le réseau Internet à l’échelle mondiale.
ASN assure la souveraineté numérique de la France
Pour le ministère de l’Industrie, « ASN est une entreprise stratégique ». Il faut bien avouer qu’à l’heure où 99% du trafic Internet mondial transite par les câbles de fibre optique sous-marins intercontinentaux, ASN détient un tiers du marché mondial de ces câbles. Et c’est le seul acteur européen. En face, rivalisent un acteur américain : SubCom, et le concurrent japonais NEC.
En nationalisant ASN, l’Etat préserve donc la souveraineté numérique de la France, et de l’Europe. Surtout que la France est un territoire stratégique pour le passage de ces câbles sous-marins. Pas moins de 18 câbles relient directement Marseille à l’Asie et à l’Afrique, tandis que 3 câbles relient l’Europe par la France à l’Amérique du Nord.
Un sujet qui concerne directement le ministère de la Défense
Par ailleurs, il faut aussi compter sur la vulnérabilité de ces câbles sous-marins. En effet, l’attaque sur le gazoduc Nord Stream nous montre que les drones sous-marins sont capables d’endommager aussi le réseau Internet. A l’heure de la guerre hybride entre l’OTAN et la Russie, c’est un sujet que la France n’entend pas laisser de côté. En effet, les câbles de fibre optique font partie intégrante de la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, éditée par le ministère de la Défense (que vous pouvez lire ici).
A noter que parmi les acteurs qui agissent pour la maintenance et la protection de ces si stratégiques câbles sous-marins, la France compte un deuxième acteur de poids. Outre ASN, il existe Orange Marine, filiale de l’opérateur Orange qui intègre une flotte de plusieurs navires dont le métier est de déployer, d’inspecter, entretenir et réparer ce vaste réseau de câbles de fibre optique. Encore un acteur stratégique, dont l’Etat français est actionnaire.