C’est une information qui n’a pas vraiment fait parler d’elle. Mais, l’entreprise Gefco, leader français du transport combiné (rail et route), mais aussi leader européen du transport d’automobiles a connu une situation très embarrassante avec la guerre en Ukraine. En effet, les « Groupages Express de Franche-Comté » étaient propriété du groupe Stellantis (ex Peugeot) à hauteur de 25%, et des Chemins de Fer Russes (RZD) à hauteur de 75%. C’est ce deuxième actionnaire qui était particulièrement embarrassant, puisque le dirigeant de cette société (Oleg Belozerov) est un proche de Vladimir Poutine. Dans un tel contexte, le rachat de Gefco est apparu comme nécessaire. Mais cette opération a été déroutante par sa rapidité.
Rachat de Gefco : la décision du directoire
Face aux menaces de sanctions contre l’entreprise de transport, le Directoire de Gefco avait pris la décision le 1er avril 2022 de racheter les 75% des parts détenus par les Chemins de Fer Russes. Cette opération visait surtout à éviter que l’entreprise ne perde des contrats à cause des sanctions contre la Russie. Maintenant, compte tenu de la somme que ce rachat représentait, il était évident que ce n’était qu’une solution provisoire. En effet, Gefco devait ensuite rapidement trouver un actionnaire solide qui pouvait soutenir financièrement ce leader français du transport automobile qui compte 11500 collaborateurs dans 47 pays (dont 3000 en France) et réalisé 4,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021.
Le rachat de Gefco par un grand groupe était donc inéluctable pour garantir la pérennité de l’entreprise. Le cabinet de la ministre de l’Industrie au moment de ce rachat, Agnès Pannier-Runacher, avait même avancé que l’arrivée de nouveaux investisseurs était « indispensable pour protéger l’activité du groupe à court terme ». C’est à ce moment là qu’est arrivé Rodolphe Saadé, le président de la CMA CGM, quatrième armateur mondial.
Rachat de Gefco par Rodophe Saadé : l’annonce choc
Le 8 avril, le nom de l’actionnaire derrière le rachat de Gefco est connu. Il s’agit de Rodolphe Saadé, président de la CMA CGM. Plus précisément, M. Saadé choisit de faire racheter Gefco par le groupe CEVA (dont il est l’actionnaire majoritaire), acteur majeur du transport routier. Avec le rachat de Gefco, Rodolphe Saadé entend faire de CEVA « le leader mondial de la logistique pour le secteur automobile ». Pour l’instant, ce rachat n’est que provisoire, car, compte tenu de la taille de l’entreprise rachetée, M. Saadé doit attendre l’accord définitif de la Commission Européenne. Dans un communiqué, l’institution de Bruxelles a d’ailleurs déclaré :
« Au titre d’une procédure dérogatoire, la Commission européenne a autorisé CMA CGM à acquérir le capital de Gefco immédiatement, dans l’attente de l’approbation définitive qui interviendra dans les mois à venir »
Par ailleurs, le groupe Stellantis a annoncé avoir vendu ses 25% dans Gefco à Rodolphe Saadé. Au final, nous ne connaissons pas du tout le montant de la transaction.
Le poids croissant de la CMA CGM sur la logistique mondiale
Le feuilleton du rachat de Gefco n’est donc peut-être pas terminé. En effet, compte tenu du poids de plus en plus important que prend le groupe de Rodolphe Saadé dans la logistique, il se peut que pour le manque de concurrence dans le secteur que ce rachat induit, la Commission Européenne interdise ce rachat. Car la CMA CGM est en train de devenir un véritable mastodonte de la logistique. Quatrième armateur mondial, la CMA CGM c’est aussi CEVA, un acteur de la logistique terrestre partout dans le monde (routier et ferroviaire principalement). Avec le rachat de Gefco, CEVA va améliorer son expertise sur le combiné, c’est certain.
Mais, la CMA CGM, c’est aussi des prises de participation importantes au capital d’Air France (afin de développer l’activité cargo de la compagnie aérienne). Ou encore le rachat de Colis Privé, leader de la logistique du dernier kilomètre. Bref, le groupe basé à Marseille n’a de cesse de racheter des entreprises du secteur.
