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Comment le spatial devient-il un nouvel espace de conflits ?

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La rédaction de Refrance s’est déplacée aux Rencontres Stratégiques de la Méditerranée, organisées les 27 et 28 septembre derniers par la Fondation Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques. Durant cet événement, nous avons assisté à une conférence qui s’intitulait « Evolution Contemporaine du Spatial, Cloud, Cyber ». Durant cette conférence se sont exprimés le Général de Brigade Aérienne Thierry Blanc (adjoint au Commandement de l’Espace), Mickael Ulvoa de la société Thalès, et Isabelle Duveaux Bichon de l’Agence Spatiale Européenne. La principale question posée interrogeait le devenir du spatial comme nouvel espace de conflits ? Et quelles seraient les répercussions d’un conflit spatial à l’échelle mondiale ?

Quels sont les risques en matière de conflit spatial ?

Le général Thierry Blanc a commencé son propos en rappelant que l’ensemble de notre économie (ou presque) dépend aujourd’hui de l’espace : les GPS, les serveurs, la téléphonie… Il a évoqué d’ailleurs une multiplication par 10 du chiffre d’affaires du secteur spatial dans les 10 prochaines années. On peut donc s’attendre à une montée en puissance des mises sur orbite dans les années à venir. Alors, pour cette raison notamment « L’espace génère une compétition et une contestation à l’échelle mondiale ». Aujourd’hui, les économies les plus avancées sont toutes spatio-dépendantes à l’instar de l’Europe qui doit un temps de synchronisation extrêmement rapide de ses serveurs informatiques au satellite Galileo.

Le besoin de souveraineté européenne en matière spatiale s’est fait ressentir avec le conflit en Ukraine. La France a dû faire face à l’absence de lanceurs Soyouz pour ses prochaines missions spatiales. La Russie a d’ailleurs annoncé la fin de sa participation à la Station Spatiale Internationale d’ici 2024. Quant à la Chine, elle a déjà entamé la construction de la Spation spatiale chinoise, en toute autonomie. On peut donc se douter que les lancements vers l’ISS depuis Baïkonour devraient bientôt prendre fin.

Déni de mission ou désorbitation

Le général Thierry Blanc, adjoint au Commandement de l’Espace, a commencé par évoquer ces deux risques, les plus traditionnels en somme. Il s’agit premièrement du risque de déni de mission. Concrètement, il s’agit pour un satellite d’être empêché d’exercer sa mission. Pour cela, un autre satellite peut se positionner sur sa trajectoire, et donc l’empêcher d’avancer. Prenons un exemple très concret pour illustrer cet exemple.

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Elon Musk s’est impliqué directement dans le conflit en Ukraine avec son réseau de satellites Starlink. Il a positionné ses satellites au-dessus de l’Ukraine pour fournir une connexion Internet au pays, malgré une destruction des infrastructures réseau terrestres par la Russie. A notre connaissance, la Russie n’a pas empêché dans l’espace le déploiement des satellites par le fondateur de Space X. Mais, si Moscou avait placé des forces spatiales de la Fédération de Russie sur la trajectoire du réseau de satellites Starlink, on aurait alors parlé de déni de mission.

Plus grave encore, il y a la désorbitation. Ce type d’attaque est cette fois plus offensif et consiste à arracher un satellite de son orbite géostationnaire. Ce type de risque est bien réel même si nous n’avons pas encore eu affaire à ces menaces pour l’instant.

La délivrance d’objets : un risque spatial d’un genre nouveau

Ce nouveau risque spatial, dit de la délivrance d’objets, est souvent inconnu du grand public. Concrètement, il s’agit de faire naître un objet spatial (un satellite par exemple) d’un autre satellite. Ce nouveau satellite serait alors inconnu des autres acteurs de l’espace. Et, compte tenu de la présence de satellites à propulsion électrique (ce qui permet de changer de trajectoire en vol), on serait a priori incapable de connaître la paternité de cet objet.

Pour contrer cette menace, le général de brigade aérienne Thierry Blanc, prône « la multiplication du nombre de capteurs ». Cela signifie augmenter le nombre de satellites d’observation et de satellites de télécommunications français et européens. Il va même plus loin en affirmant que « si la France était concernée directement par un conflit de haute intensité, il déborderait nécessairement dans l’espace ». Alors, face à ces risques, le général insiste sur le fait que « la France doit préserver son accès et son action dans et depuis l’espace ».

Missions militaires dans l’espace et défense spatiale sophistiquée

Aujourd’hui, le domaine spatial est utilisé militairement pour fournir du renseignement (appui aux opérations) grâce aux capteurs d’observation, aux données GPS… Mais, le domaine spatial français revêt aussi des potentialités de défense active. Aujourd’hui, l’armée française dispose pour sa défense dans l’espace de son coeur souverain (le Ministère des Armées), de son coeur détendu (les acteurs de confiance comme le CNES, mais aussi des entreprises publiques et para-publiques), ainsi que de partenariats capacitaires.

Pour mener à bien sa défense depuis l’espace, Thierry Blanc souhaite que la France puisse « avoir une base technologique et spatiale qui soit la plus autonome possible ». Les entreprises françaises les plus concernées par le domaine spatial sont Thalès, Arianespace, Safran, Dassault et Airbus Defense and Space. Pour davantage de souveraineté européenne et nationale, la France doit se doter de ses propres lanceurs spatiaux, et dépendre le moins possible de technologies étrangères.

Sécurité cryptographiques et capacité de réponse

Mickael Ulvoa, de Thalès, va plus loin dans les priorités de la France (et de son entreprise) en matière de défense spatiale. Tout d’abord, il évoque l’ajout de capteurs en orbite, pour récolter davantage d’informations dans l’espace (notamment sur les autres engins d’autres puissances spatiales).

Les satellites doivent être capables d’assurer la sécurité cryptographique de leurs télécommunications avec la Terre. Mais, pour éviter que le code soit cassé, rien de tel que davantage d’autonomie satellitaire via l’intelligence artificielle. C’est pour cette raison que la charge software des satellites est en constante augmentation, avec par exemple un engin spatial capable de se réparer lui-même. L’objectif est de faire en sorte que les télécommunications spatiales soient le plus sécurisées possibles, et que les technologies satellitaires soient de plus en plus élaborées.

Ensuite, il met en avant la capacité de réponse défensive et offensive de nos satellites en orbite. On parle par exemple de moyens comme les lasers, ou le brouillage. A cela, s’ajoute la capacité de résilience de la défense spatiale française avec une plus grande production de satellites, ou encore le programme Syracuse qui s’appuie justement sur la multiplicité des satellites.

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